L’art de manger une huître

 L’huître ne se gobe pas, elle se mâche. C’est la seule façon de bien profiter de toutes ses saveurs en bouche. J’aime - d’abord -, prendre le temps de l’observer au creux de ma main, d’en apprécier la texture, la forme, les aspérités. En somme c’est un gros caillou mais, je sais qu’en l’ouvrant je vais trouver la nacre délicate, des transparences subtiles et l’eau des grands fonds. A Cancale, nous ramassons des huîtres plates depuis toujours, les romains en raffolaient déjà et c’est grâce à nos huîtres que François Ier donna à Cancale le titre de « ville ». L’huître creuse fut introduite vers la fin du XIXe siècle et ce fut une bonne chose car les bancs d’huîtres plates s’épuisaient déjà, malgré la réduction des périodes de pêche autorisées. On commença l’élevage, on inventa l’ostréiculture. 

A Cancale, les bonnes huîtres creuses sont élevées à plat, au sol, pour bien s’en imprégner. Du coup, elles sont puissantes mais courte en bouche, très iodées avec un goût un peu métallique. Les plates, elles, sont élevées en eaux profondes, elles sont beaucoup plus longues en bouche, plus délicates aussi, je leur trouve une saveur de noisette que j’associe à l’enfance Au naturel, elles sont déjà merveilleuses, parfaites aussi avec quelques gouttes de citron ou un tour de poivre. Très souvent je les tiédis pour en exhaler la saveur. Mais attention, il ne faut jamais brusquer une huître, au-delà de 60° elle se racornit et devient caoutchouteuse, quel gâchis ! Et la glace les tue. En les ouvrant, jetez la première eau, elles vont en produire une seconde, encore plus pure. Puis, couchez-les sur un lit d’algues ou cuisinez-les avec une crème au curry sur un chou nouveau par exemple. http://bit.ly/1ExmvkP