Toujours plus proche des producteurs, la première carte du Coquillage pour 2015 affirme le goût de la nature !

Comme toujours, la table du Coquillage affirme ses partis pris : des produits conduits par des hommes et des femmes talentueux et vrais, des produits de goût de la région, des produits purs qui se suffisent à eux-mêmes mais cuisinés au restaurant deviennent une magnifique histoire. Quant aux hommes, ils ont mon soutien indéfectible et nous faisons tout avec les équipages pour promouvoir leur travail et leurs produits, une manière pour nous de lutter contre l’uniformisation d’une agriculture trop souvent transformée en industrie…

La nature est reine dans cette carte qui inaugure l’année 2015, les coquillages de plongée, les légumes très jeunes, la couleur déjà printanière. Les coquilles saint jacques s’expriment dans l’eau de mer réduite et agrémentée d’un trait d’huile d’olive de Toscane de Fulvio Pierangelini et exaltée de piment mojita moyennement fort et dont la saveur reste délicatement fumée. Les huîtres dont c’est la pleine saison sont servies tièdes accompagnées de pommes de terre nouvelles et des premières morilles au goût de noisette déjà présent dans l’huître… Une crème parfumée de la poudre Gallo accentue encore la gourmandise et l’esprit celtique tout en dessinant la profondeur de la saveur de l’huître et une note iodée caviar. Les dernières praires, ce coquillage rare et fragile, totalement nature, sont juste parsemées de poivre de Kampot, de laitue de mer et de persil, tandis qu’un consommé marin affirme sa touche bretonne composé d’algues et des premières pousses de printemps, de safran d’ici, un consommé qui raconte les effluves des embruns dans lequel le cuisinier a pris soin de glisser quelques légumes du moment, racines, carottes de sable de la baie, topinambour et fenouillette sauvage du chemin des douaniers… quelques langoustines aussi.

Le saint Pierre retour des Indes et le homard au cacao, emblématiques du relais Gourmand*** ne peuvent éclipser les délicieuses solettes vivement saisies de beurre salé, pour moi le meilleur plat au monde. Simplicité et pureté absolues. L’histoire de la Cochinchine trouve un écho dans la marinière de coques aux parfums du Siam alliant coriandre, gingembre, galanga, feuilles de caripoulé et échalote, témoignant aussi des liens qui se sont noués entre l’Asie du sud-est et la Bretagne.

Ris de veau et salsifis aux textures proches s’amusent de rondeur et d’amertume, amenées par la crème normande crue pour une sauce à base de champignons blancs et Noilly Prat. Le pigeon – dorénavant produit par le fils de l’ami Paul – voyage au Mexique avec sa sauce de piment brûlé et de cacao, profonde, riche, associée à notre chutney de saint Malo qui mêle l’ananas, la poire et la pomme. L’ananas cultivé jusqu’en 1914, sous serres, à saint Malo, était sans doute à l’époque très acidulé voire proche de la mangue verte, utilisé peu mûr comme légume et non comme fruit. Et cette acidité dans le chutney sur le pigeon fait merveille…

Cet avant-goût du printemps dessiné dans cette carte est amené par les saveurs iodées des embruns, les coquillages, les poissons dans leur grande pureté ou empreints des rêves de destinations lointaines et parfois imaginaires.